A Haut-Caraquet décès le 12 mars 1951 de Sylvestre Cormier, 78 ans, époux de Élisabeth Cormier. Laisse sept filles: Dorina (Mme Albany Robichaud de Bathurst), Ida (travaille dans un bureau de médecin à Montréal), Lucienne (travaille au magasin Eaton à Montréal), Sr Rita-Marie (religieuse à Paquetville), Annette (Mme Richard de Montréal), Fernande (aux bureaux de l'Assomption à Moncton) et trois fils: Omer d'Edmundston, Valmond et Rhéal, affectés à la boulangerie et au restaurant familial. (p. 2) (Ev. 1951.03.21)
La biographie suivante écrite par Rita (Robichaud) Cormier, épouse de Réal à Sylvestre, fut publiée dans le Dictionnaire biographique du nord-est du Nouveau-Brunswick, 5e cahier (revue SHND, Vol. XVIII, no 2)
Sylvestre Cormier (1872-1951), marchand de Haut-Caraquet
Sylvestre Cormier naquit à Caraquet le 23 septembre 1872, au ruisseau McIntosh, à l'emplacement des Cormier, non loin du Bocage, à l'endroit appelé autrefois la Butte à Japon. Son père était Aimé Cormier et sa mère, Victoire Godin. Lorsque son père mourut , le 25 mai 1876, Sylvestre n'avait que trois ans. Sa mère s'en vint alors, avec ses enfants, à Haut-Caraquet (dans la paroisse actuelle de Bertrand), habiter avec sa soeur Françoise, épouse de Luc Boudreau.
Luc et Françoise Boudreau n'avaient pas d'enfants. Ils avaient adopté Basilice, fille de Guillaume Boudreau (cousin de Luc) et de Marie Godin, de Maisonnette, qui moururent tous les deux le même jour, le 31 décembre 1870. Basilice, née le 19 juin 1868, n'avait alors que deux ans. Étant allés aux funérailles, Luc et son épouse s'en revinrent avec la petite Basilice. Celle-ci mourut à 14 ans, le 18 septembre 1882.
Luc avait une grande propriété ainsi qu'une bonne grande maison au sud de la route principale, maison maintenant occupée par Réjean (à Héliodore à Onésime) Cormier. En effet, Onésime, frère de Sylvestre, demeura aussi chez Luc Boudreau et épousa une de ses nièces, Joséphine Boudreau de Paquetville.
Comme beaucoup de jeunes de la région et de son temps, Sylvestre dut s'expatrier très jeune pour gagner sa vie. L'attrait des États-Unis était fort. Comme il n'y avait pas de voiture-automobile à l'époque, on se rendait, en train, à Montréal, et de là, aux États-Unis.
Sylvestre trouva rapidement de l'emploi dans les chantiers de Lincoln (New Hampshire). Malheureusement un arbre lui écrasa un pied qu'il dut faire amputer. Il revint donc à Haut-Caraquet retrouver son frère Onésime, chez Luc Boudreau. Alors que beaucoup d'autres auraient accepté de finir leurs jours handicapés. Sylvestre résolut de faire face à la vie autrement.
Comme il avait perdu un pied, il s'appliqua à se sculpter un pies de bois. - En fait, il en possédait trois. - Il s'adonna à la cordonnerie afin de se tailler des bottines qui s'ajusteraient bien à son nouveau pied. Il assujettissait celui-ci avec un attelage de cuir qui lui permettait de marcher sans trop de difficulté.
Maintenant que son handicap était surmonté, il lui restait à voir ce qu'il pourrait faire. Plus question de travailler la terre ni d'aller en forêt. Il lui fallait savoir lire et écrire. La «maîtresse d'école» pensionnait chez le voisin, Osias Godin. Tous les soir Sylvestre se rendait la trouver pour apprendre à lire, écrire et calculer.
Dans une chambre en haut de chez Luc, il commença à faire de la cordonnerie pour les gens des alentours. Luc, aidé d'Onésime, lui construisit une petite boutique de cordonnerie en face de chez lui, au nord de la route, sur un terrain qu'il lui vendit. Sylvestre se mit à l'oeuvre, d'abord à la cordonnerie. Rapidement, il ajouta à son commerce, la vente de menus objets, pour accommoder les clients de sa cordonnerie ainsi que les voisins.
Cependant, comme il était bien situé sur la route principale, le cordonnerie fut bientôt reléguée au second plan et la boutique fut convertie, dès 1898, en petit magasin général. Sylvestre avait soigneusement gardé ses économies des années passées dans les chantier de Lincoln. En plus de son magasin, il s'était fait construire, tout à côté, une bonne et grande maison. (Les deux édifices avaient été construits par son frère, Onésime, et Maxime (à Nazaire) Godin). Cependant il lui manquait quelque chose d'important.
On avait remarqué, depuis quelque temps qu'une jeune fille des environs fréquentait souvent son petit magasin, et Sylvestre, à chaque fois qu'elle venait, ne manquait pas de lui donner gratuitement des bonbons et d'autres friandises. C'était le signe d'un amour grandissant et, le 12 janvier 1903, il épousa sa jeune cliente, Élise Cormier, fille d'Agapit et de Geneviève Duguay, presque sa voisine. Fait plutôt rare à l'époque, on fêta les noces, avec repas et danse, dans leur propre maison.
On peut s'étonner de voit que Sylvestre s'établit en affaire tout près du plus gros marchand de Haut-Caraquet, Augustin Cormier. Ce dernier était à l'aise. Ses enfants avaient reçu leur éducation dans les couvents, comme sa fille Victoire, institutrice à Bursville, qui épousa Angus Branch, gros entrepreneur forestier.
Cependant, Augustin, peu secondé par sa famille, fit faillite. Comme il était déjà avancé en âge. Il céda son bien. À sa fille Suzanne, épouse de Louis Légère et mère de Médard, pour être gardé dans sa vieillesse. Son magasin fut converti en forge et les Légère s'adonnèrent plutôt à la mécanique-automobile.
Comme Sylvestre avait épousé la petite-fille du marchand Augustin, il était normal qu'il fasse l'achat de son stock pour augmenter ses affaires. Pour cela, il lui fallut agrandir considérablement son magasin. Il confia à l'architecte Nazaire Dugas, le soin de lui dresser un plan pour utiliser son magasin tout en l'agrandissant et en présentant une belle grande façade à l'image de sa nouvelle propriété.
Ceci se passait vers 1919. Il fut décédé de scier en deux le magasin, sur le sens de la longueur, d'en écarter les deux parties, puis d'en faire un établissement à trois étages, dont une salle au troisième étage dans le tiers central. La magnifique façade tracée par Nazaire Dugas donna une allure imposante à l'édifice.
Dans ce magasin général, on trouvait de tout: vêtements, meubles, épicerie, quincaillerie, chaussures. Les fiancés y trouvaient tout le nécessaire pour leurs noces, y compris l'anneau de mariage.
Au rez-de-chaussée, on entassait les sacs de farine qui arrivaient par pleins wagons. Tonneaux de mélasse et tonneaux de paraffine étaient déposés dans la cave, mais grâce à un système de pompe on en faisait la distribution au rez-de-chaussée.
Sylvestre avait toujours à son service un homme engagé qui prenait soin de l'écurie et des autres travaux de la ferme. Tous les jours, cet employé devait se rendre à la gare, chez Eucher Pinet, chercher les marchandises qui arrivaient par train. Au magasin même, il y avait toujours des employés: deux femmes et un homme. Les enfants y ont presque tous travaillé, particulièrement Valmond.
Sylvestre menait un commerce très prospère. En 1920, sur l'insistance de son beau-frère, Adélard Dugas, mari de Léontine (soeur de sa femme), représentant de la compagnie Lounsbury de Bathurst, il acheta sa première voiture-automobile, un Baby Grand Chevrolet. Cependant, comme il ne conduisait pas, c'était toujours son beau-frère Edmond Cormier qui la conduisait.
Il fut parmi les dix premiers abonnés du téléphone, de Haut-Caraquet à Pointe-Rocheuse, avec Lazare Léger, Alfred Cormier, Dilas Cormier, Henri Dugas, Georges Cormier, Louis Léger, Richard Haché, Eutrope Gionet et Joseph Dugas. Lors de la construction de l'église de Bertrand, Sylvestre aurait préféré que l'on construise une église en pierre. Il y contribua sa grande part et une fois l'église en bois terminée, on lui offrit le troisième banc d'en avant. Comme il trouvait que c'était trop en avant, il préféra accepter un banc dans la sixième rangée. Sur le plan social, Sylvestre était retenu à la maison, à la fois pour son commerce et par son handicap qui lui rendait pénibles les sorties. C'est peut-être ce qui le détermina à bâtir, au troisième étage de son magasin, une belle salle qui tint lieu, pendant longtemps, de salle paroissiale, de salle de réception, de lieu d'assemblées de toutes sortes. C'était, en fait, la seule salle dans le Haut-Caraquet. En 1919, Sylvestre avait fondé la succursale Cormier de la Société des Artisans et c'est d'abord pour les réunions de celle-ci que la salle servit. Richard Haché fut le premier président de la succursale, Nicolas Godin, le vice-président, Henri Godin, le secrétaire et Sylvestre, le trésorier. C'était aussi la salle des séances, avec scène surélevée où l'on jouait des pièces de théâtre au profit de l'église. Elle servait pour les noces, les danses. La Société l'Assomption et la Société d'agriculture y tenaient conférences et assemblées. C'est là aussi que Xavier Cormier, dit Mignon, y donnait ses spectacles de vues animées. Le magasin servit, par la suite, à diverses entreprises: restaurant, boulangerie, jusqu'en 1959 alors qu'un incendie mit le feu à cette entreprise qui a toujours marqué la région de Haut-Caraquet et de Bertrand.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Dans L'Évangéline du 2- octobre 1919, on pouvait lire que le 12 octobre, une nouvelle succursale des Artisans a été établi dans la nouvelle paroisse de Bertrand sous la présidence de Richard Haché. Le secrétaire Émile Dugas et le trésorier, Sylvestre Cormier.