Père* | Jean Baptiste Légère (n. 1 octobre 1856, d. 8 mai 1942) |
Mère* | Rose Délima Blanchard (n. 13 décembre 1868, d. avant 9 janvier 1912) |
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Père* | Michel Godin (n. 14 juillet 1840, d. 4 novembre 1924) |
Mère* | Priscille Boudreau |
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Père* | Jean Baptiste Légère (n. 1 octobre 1856, d. 8 mai 1942) |
Mère* | Béatrice Godin (n. 8 septembre 1880, d. 3 novembre 1971) |
Né en 1916, soit pendant les années sombres de la Première Guerre mondiale, Martin vit le jour à Caraquet. Son père cultivait une petite ferme familiale. Sans être riches, Jean-Baptiste Légère et sa seconde épouse, Béatrice Godin, vivaient dans une relative aisance. Martin fut leur seul fils. Dès l’âge de cinq ans, il devint étudiant à la petite école de Pointe-Rocheuse. Il poursuivit ensuite ses études à l’école supérieure de Caraquet jusqu’à la neuvième année. Intéressé au monde des affaires, Martin se dirigea ensuite à l’école des religieuses de la Congrégation Notre-Dame, toujours dans son village natal, où il fit un cours commercial. Ses professeurs, des religieuses venues du Québec, en plus de lui enseigner la comptabilité, les mathématiques et les autres matières du cours, surent lui transmettre l’amour de la culture et de la langue française.
Vers 1930, un événement vint marquer la vie de Martin: la naissance en Acadie de l’Association Catholique de la Jeunesse Canadienne (A.C.J.C.). On connaît en effet l’influence exercée par cette association fondée à Montréal, vers 1910, par le père Samuel Bellavance, jésuite, et un groupe (le Groupe Pie X) de professeurs et d’étudiants du collège Sainte-Marie. Cette association d’étudiants catholiques se développa non seulement au Québec, mais dans tout le Canada français.
À Caraquet, le père Julien Legarrec, eudiste venu de France, avait bien sûr doté sa paroisse d’un club de l’A.C.J.C. Très tôt, Martin en fit partie, non seulement comme membre, mais à titre de dirigeant, soit comme secrétaire, trésorier, puis président.
En 1935, à la fin de ses études, Martin se mit à la recherche d’un emploi. On était alors en pleine crise de chômage. II devint propagandiste du journal L’Evangéline. Son territoire comprenait toute la péninsule acadienne qu’il parcourut à bicyclette. Un travail ardu mais qui lui permit de voir de près ses compatriotes aux prises avec les problèmes causés par la crise économique. Sans organisations sociales, sans protection financière, nombre de familles, toujours nombreuses, criaient famine dès l’apparition de la maladie ou du chômage.
Entre-temps, Martin était toujours actif dans les mouvements patronnés par I’A.C.J.C., qu’ils soient sportifs (baseball, hockey) ou culturels (cercle littéraire, théâtre, art oratoire).
À cette époque, un mouvement nouveau prenait naissance en Acadie, c’était le mouvement coopératif fondé au Québec au début du siècle par Alphonse Desjardins. Grâce au travail de monseigneur Coady, d’Antigonish, et du père Livin Chiasson, de Chippagan, le principal organisateur du mouvement coopératif en Acadie, on instituait partout des cercles d’études en vue de mettre sur pied les caisses populaires et les coopératives.
À I’une de ces conférences, donnée à Caraquet en 1937, où l’orateur était l’agronome acadien Edmond Pineau, Martin Légère devint tout feu tout flamme pour ce mouvement qui pourrait être la voie du salut pour le peuple acadien. Devant son enthousiasme, le père Chiasson lui suggéra d’aller parfaire ses études en coopération à l’université Saint-François-Xavier, à Antigonish, au Cap-Breton.
Dès son retour à Caraquet, en 1938, Martin devint le secrétaire du père Chiasson. Quelques mois plus tard, il fut désigné propagandiste du mouvement coopératif. C’est ainsi que Martin légère contribuera à l’organisation et à la fondation de la plupart des caisses populaires et des coopératives acadiennes. C’était le début d’une vie entièrement consacrée à la promotion de ce mouvement coopératif acadien et par le fait même au développement global de ce peuple.
Au cours de ces années, Martin fait également un stage d’études à la faculté des Sciences Sociales, à l’université Laval, à Québec.
Le 5 juin 1950, Martin épouse Anita Godin, une femme dépareillée qu’il avait rencontrée lors de ses études commerciales puis au cercle littéraire de l’A.C.J.C. Fille de Jean Louis Godin et de Marie Louise Cormier, Anita descend de l’ancêtre Gabriel Godin dit Bellefontaine, né à Montréal en 1661.
Voici, en résumé, les principales réalisations et fonctions de Martin Légère, ce géant de l’Acadie nouvelle.
Propagandiste du Mouvement Coopératif pour le service extérieur de l’université Saint-François-Xavier, d’Antigonish (1938-40), inspecteur des Caisses Populaires acadiennes du N.-B. (1940-46) ; conseiller municipal, à Caraquet (1950-55) ; trésorier de la Société du Bien-Être de l’Enfance du comté de Gloucester (1948-66) ; président de l’A.C.J.C. de Caraquet (1940-50) ; administrateur de la Société Nationale des Acadiens (1955-60) ; administrateur de la Chambre de Commerce des Maritimes (1954-62) ; président de la Commission scolaire de Caraquet (1960-65) ; vice-président (1950-65) et président du journal L’Évangéline (1980-81) ; membre du Conseil d’administration de l’hôpital de Caraquet (1963-74) ; administrateur au Conseil économique des Provinces Maritimes (1956-62) ; administrateur à la Caisse Populaire de Caraquet (1938-1971) ; membre du Comité aviseur du «Community Development Corporation» du N.-B. (1965-66) ; administrateur à «Cooperative Fire & Casualty Insurance» (1964-77), à la «Cooperative Insurance Services» (1970-77), à la «Cooperators Insurance Association» (1976-77), à la « Cooperators Life» (1976-77), au «C.I. Management Group Ltd. » (1976-77) ; président de la Commission de financement industriel du N.-B. (1960-76) ; directeur général de la Fédération des Caisses Populaires acadiennes (1948-82) ; secrétaire général (1948-79) et directeur général du Conseil acadien de la Coopération (1979-82) ; président général du Conseil canadien de la Coopération (1952-82) ; président de la Compagnie de Gestion Atlantique Ltée (1979-81) ; président de Les Oeuvres de Presse acadienne Inc. (1980-82).
À cette impressionnante liste d’œuvres et d’organismes où il s’est dépensé, il faut ajouter qu’au cours de ces années d’intenses activités, Martin Légère a aussi été l’âme dirigeante de la fondation de l’École des Pêcheries à Caraquet. Pendant qu’il siégeait au comité de la «Community Development Corporation», Martin a été le grand responsable de la création du «Village Historique Acadien», toujours à Caraquet. C’est encore lui qui est à l’origine de la fondation de la Société d’assurance des Caisses Populaire acadiennes. Disons enfin que comme membre du Comité central de l’Alliance coopérative internationale, Martin eut l’occasion de faire de nombreux voyages d’études et d’information à travers le monde. C’est au nom de cet organisme qu’il s’est rendu en Russie, en Pologne, en Suisse, en France, en Angleterre et en Haïti. Ces tournées lui ont fait connaître davantage l’importance des mouvements coopératifs dans le monde.
Mi-retraité depuis quelques années, il demeure administrateur de la compagnie d’assurance Les Coopérants (de Montréal), secrétaire de la Chambre de Commerce de Caraquet, membre du Conseil de la Vie Française en Amérique, trésorier de la Villa Beauséjour de Caraquet, directeur général de la Fondation Culturelle, directeur général de Partimoine Caraquet Inc., et correspondant de plusieurs journaux et revues, dont The Atlantic Cooperator. Et, le croirait-on ? Martin Légère est présentement inscrit étudiant par correspondance à l’université de Montréal, au cours autodidactique de français écrit, où il découvre toute la beauté et la précision de la langue de Molière.
Tant d’activité, de dévouement et de services rendus à la collectivité acadienne méritait des récompenses. Les hommages, les manifestations de reconnaissance vinrent de partout. Il a été décoré de la médaille «Bene Merenti» par le pape Pie XII, en 1950; maître en Sciences commerciales (honoris causa) de l’université Saint-Joseph (1950), docteur en sciences sociales (honoris causa) de l’université du Sacré-Cœur de Bathurst (1953) ; docteur en Science d’administration (honoris causa) de l’université de Moncton (1971) ; docteur en Droit (honoris causa) de l’université Saint-François-Xavier d’Antigonish (1974) ; officier de l’Ordre du Canada (1974) ; chancelier du Club des Cent Associés (1980) et membre de la Pléiade (1980) ; chevalier de l’Ordre Militaire et Hospitalier de Saint-Lazare de Jérusalem (1981).
Martin Légère est l’un des deux seuls Canadiens-français reconnus pour ses services par le Dictionary of International Biography de Londres, Angleterre, et le seul Acadien dont le nom apparaît au Who’s who in the East (Chicago) et Who’s who in Finance and Industry (Chicago). Il est aussi membre de «International Platform Association» (Washington)
Influencé par les exemples de sa mère, aussi dévouée que charitable envers les déshérités, Martin Légère ne cache pas son admiration et son intérêt pour l’œuvre apostolique de l’Église dans le monde. Nombreux sont les missionnaires qui sont ses amis et ses protégés.
Pour l’Acadie, Martin Légère est un peu ce que furent Alphonse Desjardins et Alfred Rouleau pour le Québec.
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Père* | Jean Baptiste Légère (n. 1 octobre 1856, d. 8 mai 1942) |
Mère* | Béatrice Godin (n. 8 septembre 1880, d. 3 novembre 1971) |
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Père* | Daniel Blanchard |
Mère* | Romaine Gionet |
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Père* | Samuel Landry (n. 27 juin 1821) |
Mère* | Monique Gauvin (n. 2 septembre 1839) |
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Père* | William McLaughlin |
Mère* | Isabelle Robinson |
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Père* | Joseph McLaughlin |
Mère* | Philomène Légère (n. 8 juillet 1862, d. 23 novembre 1891) |
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Père* | Gédéon Albert (n. 10 août 1844) |
Mère* | Anastasie Parisé |
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Père* | Majorique Légère (n. 9 juin 1870, d. 28 mars 1944) |
Mère* | Philomène Albert (n. vers 1880, d. 12 mai 1955) |
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Père* | Joseph Richard Blanchard (n. 11 avril 1880) |
Mère* | Arthémise Légère (n. 15 juillet 1872, d. 27 janvier 1947) |
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Père* | Pierre Albert |
Mère* | Marie Paulin (n. vers 1843) |
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Père* | Joseph Albert |
Mère* | Appoline Vienneau (n. 4 août 1839) |
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Père* | Cérénus Lanteigne |
Mère* | Sara Paulin |
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Père* | Joseph Légère (n. 18 septembre 1861, d. 19 septembre 1912) |
Mère* | Claire Lanteigne (d. 13 novembre 1893) |
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Mère* | Claire Lanteigne (d. 13 novembre 1893) |
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Père* | Joseph Légère (n. 18 septembre 1861, d. 19 septembre 1912) |
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Mère* | Claire Lanteigne (d. 13 novembre 1893) |
LA TRISTE HISTOIRE DE LUCIE LÉGÈRE CETTE JEUNE ACADIENNE
'Voici l'histoire triste en même temps que si extraordinaire, publié dans La Presse du 26 septembre 1912, de Mlle Lucie Légère, une jeune acadienne de Lewiston, Maine, qu'un nommé William Blanchard, de Paquetville, Nouveau-Brunswick, enleva à l'âge de 4 ans à la tendresse des siens. Le ravisseur vendit l'enfant dans un cirque, la reprit ensuite, puis alors qu'il achevait de la faire mourir sous des coups, se la vit enlever par la police de Dover, New Hampshire, qui la prit sous sa protection. L'enfant fut adoptée par différentes familles et finalement, échoua à Lewiston. Des années se passèrent: l'enfant, devenue jeune fille, ignorait toujours où elle était née et quels étaient ses parents. Le hasard les lui fit retrouver il y a environ deux mois et, le 29 juillet 1912, accompagnée d'un sien cousin, M. Prudent Légère, de Berlin, New Hampshire, elle partit pour le Nouveau-Brunswick; elle s'en allait vers le coin de terre qui avait vu ses premiers ébats, vers des êtres qui avaient essuyé ses premières larmes.
Voici donc le résumé publié en juillet 1912, correspondance reçue de Lewiston:
-“Pourquoi ces vêtements sombres”? demanda notre correspondant à Mlle Lucie Légère, de retour depuis quelques jour en notre ville.
-“Mon père vient de mourir”, me répondit-elle dans un sanglot (M. Joseph D. Légère). Puis étant parvenue à refouler ses larmes, elle continua: “Mes premières pleurs dans le monde tombèrent sur une tombe, puisque, comme vous le savez ma mère mourut alors que je n'avait que deux jours. Est-ce parce que la protection maternelle m'a manqué que je suis si malheureuse? Je ne sais, mais l'adversité s'acharne sur moi avec une cruauté vraiment inouïe. Tenez, des fois je me penche vers la terre où reposent les deux êtres qui m'auraient le plus aimée, en ce monde, et je voudrais dormir à jamais près d'eux. Ma mère je ne la connus pas, et, mon père, après en avoir été séparée si longtemps, je le revois au moment où la mort va l'emporter, lui aussi....
-Y avait-il longtemps qu'il était malade?
-Oh! Quelques mois seulement; il a succombé à la terrible consomption. Lorsque j'arrivai à Paquetville et que j'allai me jeter dans ses bras, il s'affaissa, tellement l'émotion de me revoir fut au-dessus de ses forces. Pauvre père, il eut, du moins avant de mourir, - (il attendait peut-être cela pour s'en aller) - la consolation de savoir ce qu'était devenue l'enfant qu'on lui avait enlevée si jeune....
Je laisse Mlle Légère se calmer un peu puis je questionne, au risque de paraître indiscrète:
-Pardon, mademoiselle, d'interrompre votre douleur, mais parlez-moi donc un peu de votre arrivée là-bas et des nouveaux détails que vous avez dû y recueillir sur votre enlèvement. Vous savez combien cela m'intéresse. Avez-vous reconnu les lieux où vous êtes née, surtout le jardin de votre grand-mère (Mme veuve Dosithée Légère, âgée de 85 ans, de Paquetville) qui était resté si bien grave dans vos souvenirs?
- Voici: Quelques heures après mon arrivée dans la maison de grand'mère, cette dernière craignant pour moi la fatigue et les émotions qui semblaient prêtes à me terrasser, me dit de sa bonne voix d'autrefois que l'ai toujours entendue dans mes rêves: “Viens, ma petite fille, nous allons aller faire un tour au jardin. Tu vas volt (ajouta-t-elle pour me taquiner) que ta mémoire faisait défaut lorsqu'elle te montrait des cerises dans ce même jardin.” A peine dehors, je lâchai la main de grand'mère et courus à l'autre bout de l'enclos, enveloppant de mes bras en pleurant, l'arbre où mes petites mains avaient cueilli des cerises alors guet je n'avais que quatre ans, j'avais tout reconnu. Quelques jours après, passant en voiture à la Pointe de Roche, je tendis la main dans une direction: “Tiens, voici la maison de Blanchard, mon ravisseur!” Peu après je vis sortir de cette maison les deux enfants infirmes du dit Blanchard, que je reconnus fort bien. Encore une fois, ma mémoire avait été fidèle.
-Mais il était donc là, le bandit cause de tous vos malheurs?
-Oui et non. il demeure à Caraquet où Ia pêche lui permet de vivre plutôt mal que bien. Lorsque la nouvelle se répandit que l'enfant qu'il avait enlevée allait revenir, il se cacha si bien que des policiers lances ses trousses ne purent le rejoindre. Quelques jours avant mon arrivée, il se promenait ivre dans les rues et avouait en blasphémant: “Oui, la petite Lucie elle m'a toujours bien rapportée $50, j'ai encore les papiers de cette vente”. Lorsque à West Derry, New York, la police m'enleva de ses mains, il s'enfuit à Paquetville. Mon père le fit arrêter; mais aucun indice ne peut être obtenu sur moi. Tout ce qu'on put lui faire avouer fut: “Elle est disparue et i'ignore où elle est.”
“Voici comment s'opéra mon enlèvement qui n'eut rien de bien dramatique si Blanchard ne m'eut pas vendue plus tard. Ma mère morte, grand'mère m'emmena à son foyer, Lorsque j'eus quatre ans, cette dernière était tombée malade, William Blanchard, beau-frère de la deuxième femme de mon père, s'offrit de m'élever. À cette proposition je m'agrippai au lit de grand'mère en criant: “Mémère, je ne veux pas m'en aller; garde-moi avec toi.
Tu n'auras plus personne pour t'aimer et te soigner si je m'en vais”. Finalement, je dus suivre Blanchard qui, pour cacher son jeu, me plaça d'abord au couvent de Caraquet, puis m'en fis sortir quelque temps après alors que lui et sa digne moitié, comme des voleurs, se sauvaient aux États-Unis. Ayant rencontré un couple de nomades, il me vendit à ces gens. Durant quelques années, traînée de ville en ville, dans une roulotte, où nous mangions et couchions, je m'occupai de vendre des paniers confectionnés par ces gypsies. Puis un jour deux hommes (dont l'un était Blanchard), me guettèrent alors que j'étais occupée à vendre mes paniers, me firent monter dans une voiture et me conduisirent à la troupe Bill Brothers, cirque au milieu duquel je passai un an. Blanchard, après m'avoir volée, vendue, volée de nouveau, m'avait de nouveau revendue comme un objet de traite.
“Les années qui suivirent, vous les connaissez; je reçus plus de coups que de morceaux de pain; la police m'arracha des mains de mon bourreau; je fus trimballée d'une famille à l'autre puis, il y a quelques semaines, je retrouvai les miens que je n'espérais jamais revoir; bien plus je craignais même de ne jamais apprendre leurs noms,
“Mon père, qui vient de mourir, était dans la quarantaine. Ma mère, qui se nommait Claire Lanteigne, mourut toute jeune laissant quatre orphelins: deux garçons, Cyrille et Joseph, et deux jumelles, Elise et moi. De son second mariage, mon père eut six enfants. Grand'mère est âgée de 85 ans et j'ai bien peur de ne plus la revoir, car Dieu semble ne m'avoir fait retrouver les miens que pour me les enlever aussitôt”.
“Cela vous étonne peut-être de me voir revenir à Lewiston? La raison est qu'on n'est pas riche là-bas, chez nous, et je ne voulais pas être à charge de personne.”
-Et que comptez-vous faire maintenant?
“Est-ce que je sais? L'avenir m'apparaît plus sombre que jamais. Je n'ai qu'une unique pensée: économiser suffisamment pour aller revoir grand'mère avant qu'elle me quitte à son tour, et aller pleurer sur la tombe de ceux dont je n'ai pas appris à prononcer le nom de ce monde”.
Référence:
La Presse, Montréal, Dimanche 27 décembre 1992, Volée pouis vendue à des bohémiens.
La presse, Montréal, Jeudi 26 décembre 1912, La triste histoire de Lucie Légère, cette acadienne volée et vendue à des bohémiens.
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