Le texte suivant fut rédigé par Ginette Légère, fille cadette de Maria
MARIA PINET
(1910-1996)
C'est pendant un de ces hivers long et rigoureux comme on en voyait tant au début du siècle que Maria vit le jour, le 21 janvier 1910. Enfant de Délima Dugas et Avila Pinet de Bertrand, elle était la cinquième d'une famille de neuf enfants.
C'est toute petite, soit à l'âge de 8 ans, suite au décès de son père, et dû au fait que sa mère du placer ses enfants pour aller travailler au loin, qu'elle fut accueillie chez des membres de la parenté. Bien sur un membre de plus dans la famille d'accueil voulait dire plus de travail, aussi ma mère, même à ce jeune âge dû accomplir maintes tâches ménagères en plus de s'occuper de jeunes enfants et bébés de ces familles.
Après avoir passé de maison en maison comme servante, afin de se trouver un toit, âgée d'une vingtaine d'années elle partit pour Newcastle où elle séjourna chez un docteur pour travailler comme servante. Comme il en était la coutume à l'époque, beaucoup de jeunes acadiennes sachant tout du travail de maison, se retrouvaient dans les familles de gens riches soit à Montréal ou ici dans la province afin d'y tenir maison. C'est de là qu'elle fut référée au sénateur Robinson à Moncton.
Ce fut certainement une période de sa vie qui la marqua de façon assez significative. Chez le sénateur il semble qu'elle fut traitée avec grand respect. On lui témoignait beaucoup de reconnaissance pour la célérité de son travail, sa vaillantise et son sens du devoir accompli : qualités qui la caractérisèrent tout au long de sa vie.
Souvent j'ai été témoin de ses moments de nostalgie. Elle me racontait alors des moments heureux vécus là-bas. En plus de servir les repas à table, le frottage des argenteries comme elle aimait le dire, faisait partie de ses occupations. Peut-être parce que j'étais la plus jeune enfant de la famille et qu'elle avait plus de temps à me consacrer ou encore parce que j'aimais ces moments de confidence, toujours est-il que j'ai souvent été sa fidèle auditrice et je l'écoutais me raconter les joies qu'elle partageait avec les autres petites acadiennes à l'emploi du sénateur.
Elle me relatait comment la femme du sénateur, souffrant de surdité presque complète, en voyant les jeunes servantes rire aux éclats et voulant partager leurs rires, leurs demandait, sa corne à l'oreille : ' What is it, what is it???' Un grand moment de sa période de travail chez le sénateur fut la visite du Premier ministre du Canada de l'époque, Mackenzie King. Quelle tâche grandiose pour la petite orpheline que de servir ce dernier à table.
Enfin, c'est lors d'une de ses visites dans son village natal que le curé du temps, sachant maman toujours célibataire à 25 ans, lui parla d'un jeune homme du village, Frédéric Légère, fils benjamin d'Alexandre et de Hélène, qui lui ferait un bon parti. C'est là que les fréquentations commencèrent.
C'est donc au mois de mars de l'année 1935 que le mariage devait être célébré, mais dans ce temps-là, les hivers étaient rigoureux et comme maman disait souvent : ' L'homme propose et Dieu dispose.' Le jour prévu pour la noce il y eut une telle tempête que le curé ne put se rendre pour bénir le mariage. Ce dernier chargea un messager de leur dire qu'ils pouvaient se coucher dans le même lit à condition de mettre un drap entre les deux en attendant. On fêta donc deux jours avant que le curé ne puisse se rendre bénir les noces.
On acheta la maison ayant appartenue à Jean Louis Duyé (Duguay) comme maman le disait. De cette union naquirent dix enfants, dont Adrienne, Jeannine, Ida, Jean-Paul, Rhéal, Rodrigue et Camille, décédé des suites d'une coqueluche à l'âge de deux mois. Suivirent Anne-Marie, Camillien et enfin moi-même, Ginette. Toute petite alors qu'elle vivait chez son oncle, ma mère avait reçu une poupée en cadeau. Sa tante ayant placé cette poupée sur une étagère hors de sa portée, elle du se contenter de la regarder sans jamais pouvoir y toucher. C'est peut être pour cette raison qu'elle prit tant de plaisir a dorloter ses petits bébés.
Un autre grand sujet de nostalgie pour ma mère était le décès de son beau bébé aux yeux bleus et aux cheveux roux , mort dans ses bras à l'aube du jour. Il faut bien dire que nous étions loin de correspondre à ces qualificatifs puisque la majorité de mes frères et sœurs étaient plutôt dotés d'une tignasse foncée et de yeux bruns sauf notre regretté frère Jean-Paul qui malgré son teint foncé avait reçu à la naissance de merveilleux yeux bleus.
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Un événement qui marqua grandement mes frères et sœurs a l'époque, fut la mort d'un bébé avant sa naissance. Très malade et seule avec six petits enfants à la maison, mon père étant à l'extérieur pour son travail, maman commença à perdre du sang durant la nuit. Elle attendit jusqu'au matin pour envoyer Adrienne, sa fille ainée qui avait environ huit ans à l'époque, téléphoner pour du secours. Quand la sage femme arriva enfin elle envoya chercher le curé parce qu'elle ne croyait pas à la survie de maman empoisonnée suite à cette mortalité. Le curé étant absent, ce fut l'évêque, Monseigneur André Leblanc qui se rendit au chevet de maman pour lui donner les derniers sacrements. À la vue de ces petits enfants agenouillés et transis de froid derrière le poêle à bois éteint, l'évêque revenu au presbytère marchant de long en large et pleurant d'avoir vu une scène aussi triste, se dit que maman ne devait pas mourir. Maman est revenue à la santé et les gens du village ont toujours cru qu'un miracle s'était produit.
En ces temps-là les familles travaillaient la terre l'été et l'hiver, quittaient les maisons pour travailler dans les campes à bois. C'était en traîneau que le déménagement pour l'hiver complet se faisait en plein janvier. Que de récits de ces voyages avec la petite famille m'ont été faits. Traverser la rivière alors que le radeau était chargé du ménage et que la petite famille suivait en bateau à rame, le cheval mort de fatigue, n'avait plus la force d'avancer rendu en plein milieu de la rivière. Rendus au camp de bûcherons, ma mère et ses petits enfants occupaient le campe du cuisinier qui consistait en un poêle à bois et une grande table. De l'autre coté de la pièce se trouvait les lits superposés (bunk bed).
Toute sa vie notre mère a été une travaillante infatigable, veillant au train de grange (travaux de la ferme) avec mes frères et sœurs aimés. Mon père, fut plus tard à l'emploi du Canadien National comme cuisinier, ce qui l'amenait à travailler aussi loin que la Gaspésie et le Québec pendant plusieurs mois de l'année laissant maman seule à s'occuper de la maisonnée et des travaux de la ferme.
J'ai souvenir de ces immenses champs cultivés, soit pour la patate, les navets, les carottes et tous les légumes pouvant être nécessaires pour traverser l'hiver, qui devaient être désherbés et piochés par nulle autre que cette courageuse et infatigable femme qu'on appelait la p'tite Maria. Maman nous a tout appris. La couture, faire la cuisine et le jardinage. À sept ou huit an, mes sœurs ainées avaient appris à jardiner et exposaient leur récolte de légumes au village. C'était avec fierté qu'elles exposaient leurs légumes qui étaient toujours parmi les plus beaux.
Ma mère qu'on surnommait souvent la petite Maria, peut-être pour sa petite taille, n'avait rien d'une petite femme. Ce qui la caractérisait à l'époque et ce qui reste encore aujourd'hui dans la mémoire des gens qui l'ont connu et côtoyé est son acharnement au travail et son courage devant l'épreuve.
En plus de travailler la terre afin de remplir la cave de légumes pour l'hiver, maman avait un sens des affaires qui la mettait à l'avant garde de son temps. En effet elle fut une des premières à cultiver les fraises de jardin pour la vente, nous obligeant à passer des heures et des heures à ramasser à la 'crate' des fraises qu'elle vendait. Ses blés d'Inde se vendaient à la douzaine et c'est nombreux que les gens se présentaient chez nous pour acheter ses fruits et légumes. Tout était motif à profit.
Toute mon enfance, j'ai vu des gens débarquer chez nous pour acheter les produits que ma mère, dans sa grande fierté de femme d'affaire, vendait. On parle ici de son fameux boudin, de sa tête fromagée, de son beurre sur lequel on pouvait voir son nom imprimé au papier, sa crème ou encore le lait de beurre. Je disais souvent pour la taquiner que la seule chose qu'elle n'avait pas réussi à vendre c'était ses enfants. Y'en avait partout, c'était pas en demande.
Cette petite femme avait également des doigts de fée, car le soir, une fois sa journée de travail à la ferme terminé, c'est à la machine à coudre qu'elle s'installait jusqu'aux petites heures du matin, transformant vêtements usagés et nous faisant des manteaux ou habits chauds et très beaux par surcroît. Souvent, le soir, les voisins regardaient par chez elle et voyant la lumière encore allumée vers une heure du matin savaient qu'elle cousait encore.
On la retrouvait parmi les membres fondateurs de la Coopérative agricole de Bertrand.. Elle fit également parti des foyers école de l'époque, car elle voyait l'importance de l'éducation pour ses enfants. Pour maman, les filles devaient avoir un métier autant que les garçons.
Enfin, il faut reconnaître le caractère assez piquant de ma mère. Je me souviens de sa façon de dire les choses sans trop de ménagement. Son côté direct et sa soif de justice étaient sûrement dû au fait que très tôt dans la vie elle a été forcée de travailler fort pour subvenir à ses besoins et ceux des autres, d'où sa force de caractère.
Ainsi, le déroulement de sa vie a fait surgir cette combativité et son refus de soumission et d'acceptation de toute injustice, que ce soit pour elle ou pour les autres. Née aujourd'hui, cette p'tite Maria eut été une redoutable femme d'affaire qui aurait pu marquer son époque comme d'autres grandes femmes l'ont fait.
Maman s'est éteinte à quatre vingt-six ans, après une vie bien remplie.
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Tous les efforts sont faites pour faciliter la lecture des informations généalogiques. Pour l'instant, ces informations sont affichées en français. Je suis à chercher une solution pour rendre le site bilingue.
All efforts are made to facilitate the reading of the genealogical information. For now, this information is displayed in French. I'm looking for a solution to make the site bilingual.