Célibataire. Artiste de grand calibre. On peut lire une brève biographie dans le livre de Yvon Léger, 'L'Acadie de mes ancêtres', p.378.
JEANNE LÉGER
'Lors de ses premières leçons, Mademoiselle Léger démontre beaucoup de dispositions pour la teinture, grâce à sa bonne volonté jointe à son grand talent, elle sera sûrement honneur à l'Acadie'. Telles sont les paroles de Maître Alice Maury, éminent professeur de l'École supérieure des Beaux Arts de Paris. On doit affirmer qu'au début du vingtième siècle, les Acadiens se soucient peu des talent artistiques de leurs compatriotes, la survivance étant leur préoccupation première. Les artistes du calibre de Jeanne Léger doivent s'expatrier en Europe et aux États-Unis pour développer leurs talents et être reconnus. C'est en effet ce qu'a vécu cette jeune artiste, de Sainte-Marie-de-Kent, à qui on ne témoigne estime et admiration qu'au déclin de sa vie. Jeanne est la fille de Sigefroid Léger et de Sara Cormier, née en 1895 dans le village de Sainte-Marie-de-Kent. C'est à l'école élémentaire de sa paroisse qu'elle débute ses études, pour se diriger ensuite au Couvent de l'Immaculée Conception à Bouctouche, c'est là que se manifestent ses premières ébauches artistiques. Elle se laisse parfois aller, au gré de sa fantaisie, en dessinant divers croquis durant les cours, ces esquisses lui valent réprimandes et pensums pour avoir manqué d'attention.
Après ses années d'étude au couvent, on la retrouve travaillant dans une manufacture à Lewiston, Maine. Elle profite de ce séjour, aux États-Unis, pour étudier à l'Académie Mont Mérici, les différentes techniques de peinture. Ce goût de l'art l'amène à se perfectionner; elle revient au pays et fait un stage au Couvent Jésus-Marie à Montréal, où elle se familiarise avec l'art de peindre sur la porcelaine. Son ambition la pousse à connaître d'autres techniques; elle s'inscrit, à vingt-sept ans, chez les soeurs de la Congrégation Notre-Dame à Mont Saint-Bernard d'Antigonish en Nouvelle-Écosse, pour y travailler l'étain. Jeanne est devenue une artiste polyvalente et possède une collection d'oeuvres dont elle est très fière. C'est dans la nature qu'elle trouve l'inspiration qui la qualifie de peintre paysagiste; Mademoiselle Léger devient de plus en plus consciente de son grand talent et est bien déterminée à l'exploiter au maximum. A l'automne de 1923, on la retrouve à Paris, fréquentant l'École des Beaux Arts; elle profit de ce séjour en Europe pour visiter les grands musées de Rome et de Venise. A Paris, cette artiste rejoint deux compatriotes acadiennes, Mesdemoiselles Anna Malenfant et Laura Gaudet, en stage au conservatoire de musique. Ces deux amis ont préparé la venue de Jeanne et ont facilité sa rencontre avec d'éminents professeurs de peinture, en l'occurence Maîtres Maury et Vallet. A l'École des Beaux Arts de Paris, notre artiste acadienne étudie l'histoire de la peinture, de son origine jusqu'à nos jours. Un séjour de quelques semaines à Rome l'amène à étudier l'art italien et à s'inspirer des tableaux des grands maîtres. Durant ce stage dans la Ville Éternelle, nos trois Acadiennes ont l'insigne privilège d'obtenir une audience du Pape Pie XI (Achille Rattie) qui les accueille en ces termes:'vous être les premières acadienne que je vois, je vous donne ma bénédiction', ces paroles, Jeanne les imprègne à jamais dans sa mémoire. Le mois de juillet 1924, ramène notre artiste en Acadie où elle est reçue avec pompes par ses parents et amis. Heureuse de présenter ses succès, elle exposte une collection d'oeuvres exécutées durant son stage en Europe; des scènes religieuses et paysagistes ainsi que de magnifiques peintures à la plume sur satin et velour; pour en nommer quelques-unes; La mort de Sainte-Cécile, de Gauthier, Madame Grand Duc de Raphaël, Vues de Venise, Notre-Dame de Paris, Musée du Louvre. Cette exposition remporte un succès plutôt mitigé. Le proverbe: Nul n'est prophète dans son pays, s'avère une réalité. Jeanne connaîtra le succès aux États-Unis où elle exposte en différents endroits. En 1925, elle s'installe à Gardner dans l'était du Massachusetts et y enseigne la peinture pendant deux ans. La nostalgie du pays la ramène à Moncton en 1927 où elle ouvre un studio, mais ne recontre pas le succès attendu.
Contrainte de retourner aux États-Unis, cette fois, à Concord, elle enseigne et participe à de nombreuse expositions; une pièce d'étain repoussé lui mérite un permier prix et elle reçoit un deuxième prix pour un tableau sur velours. Une toile à l'huile de Jeanne Léger est choisie par la maison Sommerfield de Boston parmi des milliers d'oeuvres; la compagnie Edward Music de Fitchburg lui accord le deuxièm prix pour un tableau sur velours. En 1950, Mademoiselle Léger revient en Acadie dans sa paroisse natale, pour y soigner sa mère malade et décide à ce moment de s'y installer définitivement. Elle donne des leçons de peinture à Bouctouche, Richibouctou et à Saint-Antoine. Jeanne a renoncé au mariage, quelques années auparavant alors qu'un accident lui a ravi son fiancé; c'est à ce moment qu'elle opte pour le célibat et se donne entièrement à la peinture. Elle nourrit le rêve d'ouvrir, un jour, une école d'art en Acadie, cependant le destin en a décidé autrement. Mademoiselle Anna Girouard, une admiratrice, nous le livre le témoignage suvant: 'Un cadeau de femme, qui nous approche d'un regard perçant et nous accueille en riant, citant quelques exploits qui démontrent une mémoire extraordinaire. Mème au déclin de sa vie, elle maîtrise le pinceau comme pour dévoiler la forte discipline et la vitalité de son esprit artistique.'
Les oeuvres signées Jeanne Léger demeurent pour perpétuer son souvenir, elle a fait figure de pionnière dans l'art pictural en Acadie. Cette artiste trop méconnue s'éteint le 3 décembre 1978. C'est une Acadienne à qui nous rendond un hommage posthume. (Cette biographie est tirée du livre Silhouette Acadiennes, publié par les Dames d'Acadie en 1981, p.106-109)
JEANNE LÉGER
Monsieur Maury, qui était le professeur de peinture de Jeanne Léger à Paris, disait d'elle: 'A son retour au pays, elle fera honneur à l'Acadie.' Il ne s'est pas trompé. A un moment où les Acadiens n'étaient presque pas représentés dans le monde des arts, ils ont eu Jeanne Léger, cette petite fille de Sainte-Marie qui ne voulait pas s'amuser à étudier autre chose que la peinture.
Elle était la fille de Sifroid et Sara Léger, un des marchands importants de la paroisse. Avec sa soeur Nélida, elle a démontré très tôt des aptitudes pour la peinture. (...)
Jeanne de son côté a voué sa vie entière à l'art. Elle a étudié la peinture au convent de Bouctouche, à l'Acadienne Mérici de Lewiston, Maine, au couvent Jésus-Marie de Québec, au Mont Saint-Bernard, à l'Université Saint-François-Xavier, à Paris, à Rome. Déjà avant son départ pour la France, on avait organisé une grande exposition de ses toiles à Moncton. Une centaine de peinture à l'huile, d'aquarelles, de pastels et des pièces de porcelaine peintes y étaient exposés, avec des travaux de ses élèves.
C'est en 1923 qu'elle se rendit en France en compagnie d'Anna Malenfant et de Laura Gaudet. Jeanne allait y étudier la peinture tandis que les deux autres étudieraient le chant. Il est relativement facile de se rendre en Europe aujourd'hui, mais en 1923, un tel voyage constituait toute une aventure pour trois jeunes Acadiennes. Nos voyageuses se rendire d'abord à Rome, où elle communièrent des mains de Sa Sainteté le Pape Pie XI, qui leur dit: 'Vous êtes les premières Acadienns que je vois, je vous donne une bénédicition spéciale.'
A Paris, Jeanne suivit des cours avec les professeurs Vallet et Maury de l'Ecole supérieure des beaux-arts. Elle revint au Canada en juillet 1924, faisant la traversée sur le Rousillon, de Bordeaux à Halifax. Son retour fut un triomphe: partout on la fêtait, on organisait des expositions, on faisait son éloge. Au début d'août, l'Hôtel National, propriété de M. Dallaire à Bouctouche, passait aux flammes alors que Jeanne y exposait de nombreux tableaux peints durant son séjour à Paris et à Rome. Quelques mois plus tard, elle présentait quand même plus de 200 toiles dans une autre exposition.
Jeanne s'est aussi interessé à l'enseignement. Elle a donné des cours de peinture à Moncton, Bouctouche, Hartford, Conconrd, Waltham, Gardner, Richibouctou, Saint-Antoine, Bathurst, ainsi que dans plusieurs autres villes et villages. Ses amis préparaient fréquemment des expositions de ses oeuvres. En 1961, par exemple, des personnes qui fréquentaient l'Institut d'été de l'Université Mount Allison voulurent passer une journée à l'Université de Moncton. Quoi de mieux pou montrer ce que les Acadiens savaient faire qu'une exposition de peintures de Jeanne Léger.
Albany Robichaud, cet éminent avocat de Bathurst qui a été président de l'Association acadienne d'éducation lorsque cet organisme était le principal animateur de la vie acadienne au Nouveau-Brunswick, et qui fut par la suite député fédéral puis juge de la Cour suprême, décrivait ainsi une visite à la maison de Jeanne Léger dans son village natal:
'A quelque sept milles de Bouctouche, coquettement juché sur les coteaux riverains de la Bouctouche, il existe un beau village tout acadien: Ste-marie. Le seul fait de voiturer de Bouctouche à Ste-Marie éveille, même chez les profanes, un goût du beau, de l'artistique.. En effet le paysage est des plus pittoresques surtout en été.
'Dans ce village, il est tout naturel d'y trouver la demeure d'une grande artiste acadienne, mademoiselle Jeanne Léger...
'A peine entré (dans sa maison), on se sent dans un musée d'art. Sur les murs de chaque pièce, de magnifiques tableaux peints par notre artiste acadienne.
On y rencontre un peu de tout: peinture à l'huile, à l'eau, tableaux au fusain, etc. Il serait trop long d'énumérer tous les tableaux qui ornent la maison de Mlle Léger. On y trouve des reproductions d'oeuvres de grands maîtres exposés au musée du Louvre à Paris.
J'ai noté, par exemple, des reproductions magnifiques de 'La Vierge du Grand Duc' de Raphaël, 'La mort de Sainte Cécile' de Gauthier, et une magnifique 'Sainte Marie-Madeleine' de Carlo Dolci. Une peinture à l'huile, tout simplement admirable, 'La Hollande de soir, sous la pluuie' fait face au 'Pont Rialto de Venise'; il y a en outre toute une foule de magnifique pastels artistiquement distribués un peu partout.
'Entrons dans la salle à manger et l'on se croirait dans un jardin en fleurs. En effet, le mur du fond est devenu un jardin sous le coup de pinceau magique de Mlle Léger. Mais ce n'est pas tout. Il y a là des services complets en porcelaine avec motifs peints par Mlle Léger, et cuits au four par un procédé spécial. Une véritable richesse, quoi! J'ai remarque, entre autres belles choses, un plat avec assiettes à dessert dont le motif était des grappes de bleuets du pays... Ils étaient tellement naturels qu'on aurait pu les manger des yeux.
'Que dire maintenant de tous ces magnifiques morceaux: assiettes, plats, etc., où Mlle Léger a fait preuve d'expertise dans ce travail si difficile qu'est l'étain repoussé...
'Franchement, il faut y aller pour voir, et il faut voir pour croire. Il faudrait surtout Ætre artiste pour bien apprécier les oeuvres de notre grande artiste acadienne de Ste-Marie. Mais, même un profane comme moi pout se permettre d'admirer les grands talents et les belles réalisations de Mlle Léger...
'Non seulement Mlle Léger a-t-elle déjà fait grand honner à l'Acadie, mais elle prépare d'autres artistes, elle crée chez nous (et Dieu sait si nous en avions besoin) le goût du beau et de l'esthétique...'
Après nous avoir laissé tous ces merveilleux souvenirs, Jeanne Léger nous quittera le 13 décembre 1978.
Des centaines de personnes ont suivi des cours de cette artiste. Même si elles firent carrière dans d'autres domaines, l'expérience fut enrichissante pour toutes. Une élève de Jeanne, Marie-Hélène Allain, a continué ses études d'art et est aujourd'hui sculupteure. Son talent est reconnu bien au-delà des limites de la province.
Marie Hélène, fille de Joseph Allain et d'Anna Girouard, est religieuse Notre-Dane-du-Sacré-Coeur et présentement supérieure du couvent de Sainte-Marie. Elle a étudié l'art au college Notre-Dame d'Acadie, à l'Université Queens de Kingston et à l'École des beaux-arts de Montréal. Elle a aussi fait un stage de sept mois à Pietrasata, en Italie, qui est probablement le plus grand centre d'attraction au monde pour les sculpteurs.
On trouve plusieurs de ses sculptures dans des collections privées. On les voit aussi à l'Hôtel de ville de Saint-Jan, au ministère de la Jeunesse à Fredericton, au Conseil des arts à Ottawa. Depuis une dizaine d'années, elle a eu de nombreuses expositions, entre autres à Moncton, à Bouctouche, à Montréal, à Saint-Jean, à Campbellton. [La vie à Sainte-Marie, Emery LeBlanc, 157-159].