Le 18 octobre 1818 devant William Ferguson, Isidore " known for 20 years past " fait une demande pour une terre (APNB, micr LDS-7 Petitions for Lands, Glouc Co 176-1823).
Le fondateur de Pokemouche (l'En-bas-de-Pokemouche ou l'Ile de Pokemouche qui fut appelé plus tard lnkerman en opposition au Haut-de-Pokemouche qui est maintenant appelé Pokemouche) naquit à Cobeguit dans l'actuel Great Village, près de Truro, Nouvelle-Ecosse, en 1749. Il suivit sa famille dans l'Ile Saint-Jean (I.-P.-E), puis fut déporté avec elle à Saint-Servan, banlieue de Saint-Malo, Bretagne. C'est là qu'il épousa le 4 avril 1769 Marguerite Boudreau, fille de Basile et Marguerite Girouard, elle aussi Acadienne déportée et qui demeurait alors au village voisin de Pleudihen.
Au registre paroissial de Saint-Servan on trouve l'acte de son mariage:
" lsidore Robichaud, fils majeur du défunt joseph et de Claire Leblanc, et Marguerite Boudreau, fille majeure de défunt joseph, et d'Hélène Landry, tous les deux nés et domiciliés en cette paroisse, sont mariés en cette église, le quatrième jour d'Avril 1769, après les trois bans proclamés de leur futur mariage, effectué canoniquement sans opposition. La bénédiction nuptiale était administrée par moi soussigné en ma qualité de Curé de cette paroisse, en présence de Jean-Baptiste Robichaud, frère du marié; Hilaire Landry, oncle de la mariée; Jean Landry, oncle de la mariée; Jean Richard oncle de la mariée qui avait déclaré assurer son logement la rendre libre des parties qui ont signé.
Témoin: Joseph Amand Richard.
Isidore Robichaud
A Saint-Servan le 4 avril 1769
Le curé: Morin ".
En 1774, Isidore et sa famille s'embarquent sur les bateaux des Robins pour le Canada. Ils étaient intéressés à regagner l'Acadie et la Gaspésie leur paraissait très près de leur pays d'origine tout en étant sécuritaire sous le régime français du Québec. Par ailleurs les Robins y trouvaient leur compte puisque, contrairement aux jeunes Jersiais qui préféraient s'en retourner dans leurs familles durant l'hiver, les Acadiens étaient désireux de demeurer au pays.
Sur le rôle des familles de Bonaventure le 18 août 1777 on trouve donc Isidore et son épouse avec leurs quatre enfants, deux garçons et deux filles. Sa situation ne devait pas être alors très prospère, car à l'encontre de plusieurs habitants, il ne possédait pas encore de bateau ou d'animaux (Archives du Canada: MSS Papiers Haldimand, Vol B 202, p 17b). Isidore demeurait alors avec les autres Acadiens nouvellement arrivés à ce qui est aujourd'hui Saint-Siméon de Bonaventure.
Pour les Robins, Isidore travailla d'abord surtout " à la grave " ou à l'équipe de terre à Bonaventure puis sur la côte de Caraquet, et s'adonna ensuite un peu à la pêche. Mais avec son caractère très indépendant et passablement entêté, il ne pouvait accepter indéfiniment sa situation à Bonaventure. Dans une lettre conservée à l'archevêché de Québec, un missionnaire signale à son successeur que " les français ont pour chef le nommé Isidore Robichaud qui fait le docteur ". On comprend alors comment il se fait que son fils Pierre ait été impliqué dans les démêlés avec son évêque qui ont mené à une interdiction sur la paroisse d'lnkerman pendant plusieurs années, pour enfin aboutir à la construction d'une église à lnkerman, maintenant leur paroisse distincte de la nouvelle paroisse de Pokemouche, formée à la suite de l'arrivée de nombreux immigrants anglais catholiques.
Comme la plupart des Acadiens revenus au Canada, Isidore pensait retourner dans son coin de pays natal, cette partie de l'Acadie qui est aujourd'hui la Nouvelle-Ecosse. Dès 1791, son frère Jean-Baptiste avait quitté Bonaventure pour s'installer à Shippagan. Quant à Isidore et ses autres frères, ils étaient allés visiter les terres de l'Aldouane, environs de Saint-Charles, dans l'actuel comté de Kent, qui faisait alors partie du comté de Northumberland, de la province nouvellement formée du Nouveau-Brunswick.
En fait ils étaient allés visiter ces lieux avant 1791, puisque le 15 juin 1791 ils font une requête pour des concessions de terres dans cette région et que cette requête fut accordée par le gouvernement le sept octobre de la même année. De ce document (Archives Publiques du canada, Division des manuscrits, MG-A5-vol 3), on peut conclure qu'Isidore était allé avec ses frères visiter la région, y serait demeuré un certain temps, puis à l'été 1791 serait retourné à Bonaventure dans le but de déménager à l'automne avec sa famille. On ignore les motifs qui le firent renoncer à son projet.
2 (... suite)L'arrivée d'Isidore à Pokemouche nous fut racontée par son arrière-petit-fils, Pierre à Jules Robichaud, décédé à Inkerman à 105, doué d'une mémoire extraordinaire de tous les faits et gestes de ses ancêtres. Isidore serait parti en barge en direction du sud de la province. Rendu au large de Pokemouche, il fut " pris dans le calme ", incapable d'avancer. Il décida de se laisser entrer avec la marée dans le goulet. C'était un 15 août (probablement 1793).
En mettant pied à terre, il rencontra les sauvages, curieux de voir arriver dans la rivière une embarcation à voiles. Ils lui proposèrent de s'établir sur la rive sud de la rivière. Il décida donc, après une brève exploration de la région de s'y établir temporairement. Comme l'engagement de pêche " à moitié de ligne " se terminait le 15 août, Isidore était libre en fin d'été de venir défricher sa terre. Même au printemps il venait y semer des patates de la façon curieuse que voici. II coupait les gros arbres, arrachait les souches, plantait des patates " en germe " dans le creux des racines, mettait de la " laize " (herbe marine) comme engrais, sapait le tout, puis à la fin de l'été, il n'avait plus qu'à venir faire la récolte.
Au printemps de 1797, tout était prêt pour le déménagement. Isidore et sa famille prirent passage sur la barge de Jacquot Duguay, de Shippagan, qui les transporta à Pokemouche où ils arrivèrent le 15 mai.
L'installation se fit sur la " Pointe à Isidore " (par la suite terre de Tiburce Robichaud) où l'emplacement de la première cave était encore visible récemment. Comme au début il fallait vivre de viande et de poisson boucané à la manière des sauvages, Isidore s'était construit une grande boucanière de 50 pieds de longueur. Une étendue de terre noire, cendrée et graisseuse, en a marqué longtemps l'emplacement.
En 1799, Isidore et ses garçons Pierre et Joseph firent une demande pour obtenir les droits légaux sur les terres qu'ils occupaient. Avec les années, ses autres garçons ainsi que ses gendres obtinrent les autres terres de ce qui est maintenant la paroisse d'Inkerman. Le 12 mars 1799 à Tracadie devant l'arpenteur William Ferguson, Isidore demandait un " lot South of Pokemouche river adjoining Joseph Robicheaux and where he has built a house..." (Petitions for lands, Glouc Co 1786-1823). Le 7 août 1802 à Pokemouche, il faisait encore, cette fois avec son fils Jean et son gendre Joseph Boudreau, affirmant avoir défriché et cultivé sa terre, une autre demande de terre " ...between Chapel and mouth of river (South side) " (Petitions for lands, Glouc Co 1786-1823, no 16). Il s'agit évidemment de l'église des sauvages qui était là à cette époque.
A l'âge de 70 ans, Isidore laissa ses biens pour la somme nominale d'un dollar espagnol à ses fils Nicolas et Maxime. L'acte de vente fait devant le magistrat William Ferguson le 13 septembre 1819 et enregistré au greffe du comté le 31 juillet 1820 (vol 16 numéro 66), stipulait les conditions de vente.
Pour cette somme nominale, Nicolas et Maxime recevaient toutes les propriétés sur le lot 31, ainsi que les prés dans le lot 34, garantissant en retour à leurs parents: nourriture, vêtement, logement, lavage et réparation du linge, chambre chauffée avec service d'une domestique. Nicolas et Maxime pourraient être contraints de fournir annuellement les aliments suivants: 180 livres de viande, 30 livres de beurre, du poisson de quantité suffisante, 2 livres de thé, 2 livres de sucre,2 gallons de rhum, 6 livres de tabac, 12 boisseaux de blé réduit en farine, 6 barils de patates, du poivre et du sel.
Industrieux, le pionnier de Pokemouche était aussi un homme de foi, empressé d'accueillir chez lui le missionnaire de passage. Il mourut le 17 septembre 1823 et son service fut chanté par le missionnaire François de Bellefeuille le 13 janvier 1824. Sa dépouille fut déposée dans le cimetière des sauvages (ancien emplacement du magasin W S Loggie près du pont d'Inkerman, puis fut transférée plus dans au nouveau cimetière dans une fosse commune sous la grosse croix de métal.
Placide Gaudet avait consulté trois petit-fils d'Isidore, soit : 1)) Philippe (à Pierre) Robichaud, 72 ans, gardien du phare de Pokemouche ; 2) Marcel (à Joseph) Boudreau, 78 ans; 3) Pierre (à Jean) Robichaud, 85 ans. Ces derniers racontaient que : Isidore était né en Acadie, avait huit ans quand il en fut chassé, emmené avec ses parents en Angleterre où ils furent prisonniers sept ans, passa en France, où il épousa Marguerite Boudreau, qui était prisonnière avec lui. (Le Moniteur Acadien 4 sept 1884 p 2: Quelques rameaux... par Placide Gaudet).
Pascal Poirier (Origine des Acadiens p 75) raconte le passage des 1500 prisonniers de Grand-Pré en Virginie d'où ils furent repoussés en Angleterre (Liverpool, Southampton, Penryn et Bristol). En 1762 le duc de Nivernois envoya M. de la Rochette en Angleterre s'enquérir d'eux, il en restait 687 vivants. Ils purent retourner en France en 1763.
Placide Gaudet recueillit aussi les témoignages suivants des mêmes informateurs : Isidore vint à Pokemouche le 15 mai 1797 après un séjour de 27 ans à Bonaventure. Ce jour-là c'est Jacquot Duguay de Shippagan qui les emmena, Isidore et sa famille ainsi que son gendre Joseph Boudreau dans sa barge. Quelques jours après leur arrivée, Jean se rendit à Memramcook épouser Marie Bourgeois. Il demeura à Memramcook pour la naissance de ses deux fils Benjamin (1798) et Pierre (1799). Ce dernier a lui-même raconté à Placide Gaudet qu'il avait deux mois lorsque sa famille revint à Pokemouche à l'automne 1799.
2 Tous les efforts sont faites pour faciliter la lecture des informations généalogiques. Pour l'instant, ces informations sont affichées en français. Je suis à chercher une solution pour rendre le site bilingue.
All efforts are made to facilitate the reading of the genealogical information. For now, this information is displayed in French. I'm looking for a solution to make the site bilingual.